Le Tribunal fédéral s’est prononcé en Décision 4A_125/2020 (prévu pour publication officielle) avec des considérations intéressantes avec le Objet du droit d’accès La Cour d’appel de Zurich s’est penchée sur la question et a adopté une position plus restrictive que la Cour suprême de Zurich en tant qu’instance inférieure dans le cadre de la procédure de recours. Arrêt du 30 janvier 2020 (affaire n° PP190037‑O/U). C’est le Deuxième décision du TF en peu de tempsL’article 5, paragraphe 1, de la loi sur la protection des données, qui limite le droit d’accès ou, en tout cas, ne l’étend pas, même s’il n’est pas possible d’en déduire une tendance générale.
Contexte du conflit
L’arrière-plan est un litige entre un cabinet d’avocats et un ex-associé qui avait été inculpé aux Etats-Unis pour complicité d’infractions fiscales et qui avait par la suite été exclu du cabinet (on peut spéculer sur l’identité de l’ex-associé). Par la suite, la partie et l’ex-partenaire se sont disputés au sujet de prestations, de soldes probablement impayés et de parts de bénéfices, ce qui a été réglé par un paiement de 566 000 CHF à l’ex-partenaire. Le partenaire s’est ensuite retrouvé sur la liste des clients indésirables de sa banque – à laquelle le paiement en question avait également été versé -, ce qui a conduit la banque à mettre fin à la relation contractuelle.
Selon la banque, cela s’explique par le fait qu’elle avait pour politique de ne pas entretenir de relations avec des personnes inculpées aux Etats-Unis, suite à une solution de règlement avec les autorités américaines dans le cadre de sa propre procédure fiscale. Selon l’(ex-)associé, un autre associé du cabinet aurait en revanche informé le General Counsel de la banque qu’il existait une relation entre la banque et l’ex-associé exclu, que l’ex-associé était inculpé aux Etats-Unis et qu’il était conseillé à la banque de mettre fin à cette relation.
Par la suite, l’ex-partenaire a porté plainte contre la banque devant le tribunal de district de Zurich pour obtenir des informations conformément à l’article 8 de la LPD. Le BGZ a ensuite rendu une ordonnance de preuve, concernant notamment l’affirmation de l’ex-partenaire selon laquelle l’associé du cabinet avait informé la banque comme indiqué. La banque a contesté cette ordonnance de preuve devant la Cour suprême, qui a rejeté le recours.
Question d’entrée en matière : préjudice irréparable en cas de décision incidente sur la preuve dans le cadre de demandes d’information de droit matériel
Le Tribunal fédéral entre en matière sur le recours contre cette décision. Le Décision de la Haute Cour est – puisqu’il a rejeté un recours contre une décision incidente – à son tour une décision incidente. Celle-ci doit être considérée comme une décision de principe au sens de la LTF 93, al. 1, let. a. susceptible de causer un préjudice irréparable:
- Les preuves ne peuvent pas servir d’instrument de collecte d’informationsmais sont un moyen d’obtenir des preuves. Or, dans les litiges portant sur des droits matériels à l’information, il existe un risque que la procédure de preuve soit utilisée abusivement pour faire valoir un droit sans examiner les conditions de ce droit.
- En outre, tant pour le droit matériel à l’information selon la LPD que pour le droit à l’administration des preuves dans le cadre de la procédure civile, ces ne soit pas utilisé pour une recherche de preuves réprouvée peuvent être utilisés.
- Une fois que les informations ont été fournies, il n’est plus possible de revenir en arrière.Ce qui plaide en faveur de l’hypothèse d’un préjudice irréparable. Si, dans le cadre de l’acceptation des moyens de preuve, la partie défenderesse devait en effet satisfaire à la prétention poursuivie en justice, on pourrait même se demander si le tribunal n’a pas déjà statué matériellement sur le fond sous couvert de l’ordonnance de preuve et si la décision ne devrait pas être qualifiée de décision finale sujette à recours, ce que le TF laisse toutefois ouvert en l’espèce.
Portée du droit à l’information
Sur le fond, le litige portait sur le fait que la Cour suprême avait méconnu la portée du droit d’accès en matière de protection des données. Le Tribunal fédéral est parti du principe que l’objet du droit d’accès est vaste et qu’il s’étend notamment à la protection des données à caractère personnel. non seulement sur les fichiers officiels, mais aussi sur d’autres fichiers de données se réfère. De plus, le Le maître du fichier est tenu de prouver la véracité et l’exhaustivité des informations.Le seuil de la preuve suffisante doit être fixé de manière raisonnable et le demandeur a un devoir de coopération accru dans l’administration de la preuve, notamment en apportant la preuve contraire ou du moins en présentant des indices concrets de l’existence d’autres données.
La question de savoir s’il existait une obligation de fournir des informations sur les sources des données était également contestée. La LPD prévoit une telle obligation dans la mesure où les données correspondantes sont disponibles ; il n’existe cependant pas d’obligation de conserver ces données. Dans ce contexte, la Cour suprême avait déclaré ce qui suit (citation du Décision de la Haute Cour):
Contrairement aux données personnelles en tant que telles, les indications de provenance peuvent être disponible à l’intérieur ou à l’extérieur du recueil de données (Rosenthal, op. cit., art. 8 N 13). Ce point de vue est étayé par la définition du terme “indication” selon l’article 3, lettre a LPD. Selon Rosenthal, ce terme désigne tout type d’information ou de déclaration, quel qu’en soit le contenu et la forme. Elle comprend notamment informations structurées (par ex. une base de données avec des adresses de clients, une comptabilité avec des jeux d’écritures) comme données non structurées (par exemple, les informations contenues dans une rédaction ou une lettre ou le contenu d’une conversation téléphonique). Le support d’information n’a pas besoin d’être une chose, le “stockage” dans la mémoire humaine suffit ([…]). Des indications selon lesquelles la notion d’ ”indication” selon l’art. 8, al. 2, let. a LPD serait plus étroite que celle selon l’art. 3, let. a LPD ne ressortent ni des matériaux ([…]) ni de la source bibliographique citée par les défendeurs, où il est seulement fait référence à la nécessité de disposer des indications de provenance (Huber, Die Teilrevision des Eidg. Datenschutzgesetzes, in : recht 2006, p. 210 ; Urk. 1 p. 8). Les indications de provenance ne doivent donc pas nécessairement figurer dans un fichier pour justifier une obligation de fournir des renseignements.
Le Tribunal fédéral s’y oppose ; la Cour suprême a ainsi étendu de manière excessive le droit à l’information. Cela concerne tout d’abord l’objet du droit d’accès. Seuls les “fichiers écrits ou ‘physiques’, et donc objectivement consultables à long terme” sont concernés, et non pas les données simplement consultables en mémoire.:
3.4.1. […] Seules les données personnelles qui se trouvent dans un fichier doivent être communiquées […].
3.4.3 L’aménagement des obligations du maître de fichier dans la loi et l’ordonnance permet de tirer des conclusions sur la portée du droit d’accès : les renseignements sont en principe dus sans condition, sans aucune preuve d’intérêt (ATF 141 III 119 consid. 7.1.1 p. 127 ; 138 III 425 consid. 5.5 p. 432 ; dans chaque cas avec renvois). En règle générale, elles doivent être délivrées gratuitement et par écrit. Le fait de prévoir un droit d’accès aussi conditionnel et gratuit montre que le le législateur part du principe qu’une communication de renseignements est en règle générale possible sans grand effort si le fichier est organisé conformément à la loi et à l’ordonnance (art. 9, al. 2, OLPD). L’obligation de fournir des renseignements se rapporte à toutes les données présentes dans le fichier, car, eu égard à la définition du fichier et à l’obligation de le concevoir conformément aux exigences de l’art. 9, al. 2 OLPD, il faut partir du principe que les données sont objectivement accessibles et qu’un accès ciblé est possible (cf. consid. 3.1.1 ci-dessus), de sorte que les renseignements peuvent en règle générale être fournis sans trop de difficultés. Dans ce cadre également, l’auteur cité par l’instance inférieure exige de la personne tenue de fournir des renseignements mais pas l’exécution de toutes les requêtes de données techniquement possibles (ROSENTHAL, op. cit., n. 15 concernant l’art. 8 LPD avec référence).
Les modalités de la communication des informations plaident également en faveur du droit d’accès selon l’art. 8 LPD les données recueillies sont en premier lieu consignées par écrit: En règle générale, les renseignements doivent être fournis par écrit, sous forme d’impression ou de photocopie (art. 8, al. 5 LPD). […]. Ces modalités s’opposent à ce que la personne qui demande des informations puisse simplement exprimer un soupçon quant à l’origine d’une donnée issue d’une conversation et le faire vérifier en interrogeant les parties et les témoins. Le droit d’accès prévu par la législation sur la protection des données ne couvre pas le droit général de savoir, par l’interrogation des parties et des témoins, entre qui, quand et sur quoi une conversation à caractère personnel a eu lieu. Il ressort plutôt de la réglementation légale des formalités d’octroi des renseignements que le législateur vise à saisir des fichiers écrits ou “physiques”, et donc objectivement consultables à long terme, et non pas des données simplement consultables de mémoire.
La portée de l’obligation de fournir des informations sur les indications de provenance disponibles a ensuite été contestée. La Haute Cour constate d’une part qu’il n’est pas possible d’obtenir des informations sur l’origine des produits. cette obligation ne concerne pas seulement les indications de provenance, qui font elles-mêmes partie du recueil de données, mais aussi d’autres indications de provenance. Mais il limite ensuite cette portée :
3.4.5. le législateur parle toutefois d’indications de provenance “disponibles” (c’est également le cas dans la nouvelle loi sur la protection des données : art. 25, al. 2, let. e, P‑LPD ; FF 2020 7651) et il a défini le droit d’accès dans cette mesure également, en principe, sans condition et gratuitement (art. 8, al. 5 LPD). Cela plaide en faveur de cette disposition, tout comme le lien avec le mot “y compris”, que cette information ne doit pas non plus, en règle générale, entraîner une charge supplémentaire importante pour le redevable de l’information. Ici aussi, on suppose implicitement que le maître du fichier, s’il conserve les indications de provenance (ce qu’il n’est toutefois pas tenu de faire ; cf. consid. 3.2.1 ci-dessus), peut l’organiser (art. 9, al. 2, OLPD) de manière à ce que les indications de provenance soient objectivement accessibles et qu’il soit possible d’y accéder de manière ciblée, même si elles sont conservées en dehors du fichier proprement dit.
En ce qui concerne les indications de provenance, le droit d’accès ne porte donc que sur des données accessibles et disponibles de manière ciblée. Ici aussi, il faut donc les informations mémorisées ne font pas l’objet d’un droit d’accès:
3.4.6 Contrairement à l’opinion de l’instance inférieure les informations sur l’origine de données qui pourraient éventuellement être stockées dans le cerveau d’une personne parmi ses souvenirs habituels (et qui n’ont pas été apprises par cœur sur ordre du maître du fichier) ne sont pas couvertes par le droit d’accès. En effet, le maître de fichier peut disposer de telles informations du fichier ne peut pas en disposer. Il ne peut objectivement pas savoir, sans faire de recherches auprès de la personne concernée, si les indications de provenance sont encore disponibles à un moment donné. Dans le cadre de l’information due sans condition selon l’art. 8 LPD, on ne peut pas exiger de lui qu’il procède à des clarifications à ce sujet à chaque demande d’information.. Etant donné que les renseignements à fournir doivent être exacts et complets (cf. consid. 3.1.2 ci-dessus), il serait tenu de le faire, même si les indications sur l’origine des données ne sont pas intéressantes pour la personne ayant droit à l’information. Le fait que l’origine des données puisse éventuellement être reconstituée dans le cadre de recherches appropriées ne signifie donc pas que ces données sont disponibles au sens de l’article 8, 2e alinéa, lettre a LPD. Si le maître de fichier n’est pas tenu de conserver les indications de provenance, on ne peut pas non plus exiger de lui, dans le cadre de l’art. 8 LPD, qu’il effectue des recherches sur des indications de provenance qu’il n’a pas conservées..
Le Tribunal fédéral admet donc le recours de la banque, car les éléments de preuve litigieux concernaient des points qui, dans ce contexte, ne sont pas pertinents pour la procédure.