L’au­to­ri­té danoi­se de con­trô­le de la pro­tec­tion des don­nées, Data­til­syn­et, s’est pro­non­cée dans une décis­i­on du 14 juil­let 2022 sur l’uti­li­sa­ti­on des pro­duits Goog­le par une com­mu­ne et notam­ment sur leur trans­fert vers les États-Unis :

Con­tex­te et interdictions

Le con­tex­te était l’uti­li­sa­ti­on de Chrome­books de Goog­le et de Goog­le Workspace par des muni­ci­pa­li­tés danoi­ses, en l’oc­cur­rence la muni­ci­pa­li­té de Hel­sin­gør. En sep­tembre 2021, l’au­to­ri­té danoi­se avait deman­dé à la muni­ci­pa­li­té de pro­cé­der à une éva­lua­ti­on des ris­ques dans ce con­tex­te, qui, en fonc­tion des résul­tats, devait débou­ch­er sur une véri­ta­ble ana­ly­se d’im­pact rela­ti­ve à la pro­tec­tion des données.

En novembre 2021, la com­mu­ne avait pré­sen­té une éva­lua­ti­on à ce sujet, qui esti­ma­it que le ris­que d’u­ne uti­li­sa­ti­on des don­nées per­son­nel­les con­trai­re au cont­rat, par exemp­le à des fins de mar­ke­ting ou à d’aut­res fins, était faible.

Le ris­que de trans­fert vers les États-Unis est éga­le­ment fai­ble. Le par­ten­aire con­trac­tuel de la com­mu­ne était Goog­le Cloud EMEA Ltd. et les don­nées per­son­nel­les n’é­tai­ent stockées que dans l’EEE. Il res­sort des con­sidé­rants de l’au­to­ri­té que la com­mu­ne s’est vrais­em­bla­blem­ent appuy­ée à cet égard sur le For­mu­lai­re TIA de David Rosen­thal a sou­te­nu. Un accès à distance à des fins d’as­si­stance par Goog­le LLC aux États-Unis n’é­tait tou­te­fois pas exclu (Goog­le uti­li­sant la SCC au sein de son grou­pe – voir à ce sujet not­re Con­tri­bu­ti­on à la mise en œuvre de la CSC).

Sur la base de cet­te esti­ma­ti­on, l’au­to­ri­té a main­tenant pris la décis­i­on suivante :

  • de la com­mu­ne est inter­dit de trai­ter des don­nées per­son­nel­les avec les Chrome­books et Goog­le Workspace for Edu­ca­ti­onLes don­nées sont trai­tées con­for­mé­ment aux dis­po­si­ti­ons du RGPD, jus­qu’à ce que cet­te acti­vi­té de trai­te­ment soit mise en con­for­mi­té avec le RGPD ;
  • chaque Le trans­fert de don­nées per­son­nel­les vers les États-Unis est sus­pen­duLa com­mu­ne ne peut pas uti­li­ser les don­nées per­son­nel­les jus­qu’à ce qu’el­le prouve que le RGPD est respecté ;
  • la muni­ci­pa­li­té doit désac­ti­ver les uti­li­sa­teurs et les droits, et les droits trans­fé­rés Sup­p­ri­mer des don­néesLe pro­jet de loi pré­voit un délai de mise en œuvre ;
  • une infrac­tion à ces injonc­tions peut être punie d’u­ne amen­de ou d’u­ne pei­ne d’em­pri­son­ne­ment de six mois au maxi­mum (ceci par­ce que le droit danois n’au­to­ri­se pas d’a­men­des selon le RGPD, mais pré­voit des amen­des indi­vi­du­el­les ou des pei­nes d’em­pri­son­ne­ment ; voir con­sidé­rant 151 du RGPD et artic­les 41 et sui­vants de la loi sur la pro­tec­tion des don­nées. loi danoi­se sur la pro­tec­tion des don­nées).

Il est inté­res­sant de noter que l’au­to­ri­té n’a pas inf­li­gé d’a­men­de, mais a seu­le­ment men­acé de le fai­re en cas de non-respect. Les auto­ri­tés ita­li­en­nes, autri­chi­en­nes et fran­çai­ses n’ont pas non plus, pour autant que l’on pui­s­se voir, inf­li­gé d’a­men­de lors de leurs décis­i­ons post-frei­na­ge – peut-être un reste de pri­se de con­sci­ence que ces inter­dic­tions ne tien­nent comp­te de la réa­li­té que de maniè­re limitée.

Prin­ci­paux résultats

L’at­ti­tu­de de l’au­to­ri­té peut être qua­li­fi­ée d’ex­cep­ti­on­nel­le­ment stric­te sur tous les points. Cela ne con­cer­ne pas seu­le­ment le thè­me du trans­fert vers les États-Unis, où l’appro­che du ris­que zéro est adop­tée dans tou­te l’Eu­ro­pe (voir ci-des­sous), mais aus­si d’aut­res points, com­me les exi­gen­ces en matiè­re de docu­men­ta­ti­on des ris­ques et de réa­li­sa­ti­on d’u­ne ana­ly­se d’im­pact rela­ti­ve à la pro­tec­tion des données.

Il est frap­pant de con­stater que l’au­to­ri­té impo­se cer­tes des obli­ga­ti­ons éten­dues (par exemp­le, la com­mu­ne ne peut pas se con­ten­ter de s’ap­puy­er sur l’in­ter­dic­tion con­trac­tu­el­le du détour­ne­ment des don­nées par Goog­le, des TOM sont éga­le­ment néces­saires – l’au­to­ri­té ne con­sidè­re mani­fe­stem­ent pas Goog­le com­me fidè­le au cont­rat), mais qu’el­le ne les justi­fie guè­re sur le plan juri­di­que. Elle se con­tente pour l’e­s­sen­tiel de ren­voy­er à l’ar­tic­le 5, para­gra­phe 2 (responsa­bi­li­té) et à la boîte noi­re de l’ar­tic­le 24 du RGPD, qui décrit la “responsa­bi­li­té du responsable du trai­te­ment” de maniè­re géné­ra­le et donc sus­cep­ti­ble d’êt­re adop­tée par tou­te opinion.

Com­me pour de nombreu­ses aut­res décis­i­ons des auto­ri­tés de pro­tec­tion des don­nées, on a l’im­pres­si­on qu’u­ne auto­ri­té pour­su­it une appro­che maxi­ma­li­ste qu’el­le ne légiti­me pas d’un point de vue dog­ma­tique, mais par son sens de la mis­si­on. Cela fait d’u­ne auto­ri­té d’ap­pli­ca­ti­on du droit une auto­ri­té poli­tique. Si les tri­bu­naux n’in­ter­vi­en­nent pas et ne fon­dent pas les décis­i­ons – indé­pen­dam­ment du résul­tat – sur une base juri­di­quement soli­de, cela ne peut être qua­li­fié que de vio­la­ti­on de la Con­sti­tu­ti­on, c’est-à-dire de rup­tu­re de la sépa­ra­ti­on des pou­voirs. De ce point de vue, la rete­nue du PFPDT, rele­vée à plu­sieurs repri­ses, est salutaire.

Con­sta­ta­ti­ons sur la gesti­on des risques

  • Éva­lua­ti­on des ris­ques insuf­fi­san­teL’éva­lua­ti­on des ris­ques de la com­mu­ne de Hel­sin­gør n’a géné­ra­le­ment pas tenu comp­te de cer­ta­ins scé­na­ri­os, notam­ment de natu­re technique.
  • Pas de miti­ga­ti­on suf­fi­san­te du ris­que de chan­ge­ment d’af­fec­ta­ti­onEn ce qui con­cer­ne le ris­que de détour­ne­ment des don­nées par Goog­le, il fallait cer­tes tenir comp­te du fait qu’un détour­ne­ment des don­nées par Goog­le était exclu par cont­rat. Néan­mo­ins, la com­mu­ne n’a­vait pas suf­fi­sam­ment docu­men­té le fait que le respect du RGPD était assu­ré par Goog­le en tant que sous-trai­tant. Il ne suf­fit pas de s’ap­puy­er uni­quement sur des garan­ties con­trac­tu­el­les ( !). La com­mu­ne aurait plutôt dû éva­luer les mesu­res tech­ni­ques ou orga­ni­sa­ti­on­nel­les visa­nt à rédui­re le ris­que de détour­ne­ment d’usage.
  • Pas de mise en œuvre de la DSFA: Chaque Un ris­que qui a un impact important sur les droits et liber­tés des per­son­nes con­cer­nées néces­si­te une ana­ly­se d’im­pact rela­ti­ve à la pro­tec­tion des don­nées, même en cas de pro­ba­bi­li­té d’oc­cur­rence rela­ti­ve­ment faible.

Pour le trans­fert vers les États-Unis

Obli­ga­ti­ons du responsable

Le point de départ était ici le fait que Goog­le ne stocke les don­nées per­son­nel­les de la com­mu­ne que dans l’e­space de l’EEE, mais qu’en ver­tu de la loi sur la pro­tec­tion des don­nées, il n’a pas le droit d’ac­cé­der à ces don­nées. La liste de Goog­le peut fai­re appel à des sous-trai­tants en dehors de l’EEE et, ent­re aut­res, aux États-Unis.

Ici, l’au­to­ri­té adop­te le point de vue responsable doit dis­po­ser d’u­ne base juri­di­que pour le trans­fert vers des pays tiers, y com­pris un trans­fert pour des ser­vices d’assistance.

En par­ti­cu­lier, les deux, le responsable du trai­te­ment et le sous-trai­tant, s’en­g­agent àLe responsable du trai­te­ment doit veil­ler à ce qu’u­ne tel­le base juri­di­que exi­ste, même si le sous-trai­tant a con­clu la CCP avec un sous-trai­tant dans un pays tiers. Il n’est tou­te­fois pas évi­dent de savoir si le responsable du trai­te­ment a uni­quement une obli­ga­ti­on de docu­men­ta­ti­on ou s’il a l’ob­li­ga­ti­on ori­gi­na­le de veil­ler à la léga­li­té du trans­fert ulté­ri­eur par le sous-traitant.

TIA : éva­lua­ti­on du ris­que d’accès

Dans son TIA, la muni­ci­pa­li­té avait notam­ment pris en comp­te le fait que la FISA 702 n’au­to­ri­sait pas l’ac­cès aux don­nées si le Accès à une per­son­ne amé­ri­cai­nec’est-à-dire qu’u­ne per­son­ne (y com­pris une ent­re­pri­se) qui se trouve aux États-Unis à ce moment-là (§1881a(b)). Cela exclut l’ac­cès à Goog­le LLC, car les don­nées per­ti­nen­tes sont ici trans­mi­ses à Goog­le LLC et donc à une per­son­ne américaine.

L’au­to­ri­té de pro­tec­tion des don­nées ne se ral­lie pas à cet argu­ment. Selon elle, cet­te limi­ta­ti­on ne s’ap­pli­que que si l’ac­cès aux don­nées a pour but de four­nir des infor­ma­ti­ons sur les per­son­nes amé­ri­cai­nes de rele­ver, non chez Ent­re­pri­ses américaines :

Après avoir exami­né les rest­ric­tions léga­les à la coll­ec­te d’in­for­ma­ti­ons en ver­tu de la FISA 702, l’au­to­ri­té de pro­tec­tion des don­nées con­sidè­re que les rest­ric­tions [pré­vues à l’ar­tic­le 1881a(b)] visent à empêcher la coll­ec­te – tant direc­te qu’in­di­rec­te – de Infor­ma­ti­ons sur les per­son­nes amé­ri­cai­nesy com­pris les ent­re­pri­ses, d’empêcher ces per­son­nes d’att­eind­re la cib­le de l’en­quête sont

Selon l’au­to­ri­té danoi­se de pro­tec­tion des don­nées, les rest­ric­tions ne s’ap­pli­quent donc pas si et dans la mesu­re où des citoy­ens danois ou la muni­ci­pa­li­té de Hel­sin­gør dans son ensem­ble font l’ob­jet d’u­ne coll­ec­te de don­nées en ver­tu de la FISA 702.

En out­re, le CEPD esti­me que le FISA 702, de par sa fina­li­té, four­nit une base juri­di­que aux auto­ri­tés répres­si­ves amé­ri­cai­nes pour obte­nir des infor­ma­ti­ons sur des per­son­nes étran­gè­res dont on peut sup­po­ser qu’el­les se trou­vent en dehors des États-Unis, afin de coll­ec­ter des infor­ma­ti­ons sur les ser­vices de rens­eig­ne­ment étrangers.

Dans ce con­tex­te, l’au­to­ri­té char­gée de la pro­tec­tion des don­nées esti­me que les don­nées à carac­tère per­son­nel trans­mi­ses à Goog­le LLC pour­rai­ent être obte­nues par les auto­ri­tés répres­si­ves amé­ri­cai­nes. Ce faisant, le CEPD a tenu comp­te du fait que de con­sidé­rer Goog­le LLC com­me un “four­nis­seur de ser­vices de com­mu­ni­ca­ti­ons élec­tro­ni­ques et que les don­nées à carac­tère per­son­nel trans­mi­ses à Goog­le LLC con­cer­nent les élè­ves et les employés de la com­mu­ne, c’est-à-dire des citoy­ens danois.

Exi­gen­ces rela­ti­ves au niveau de pro­tec­tion dans le pays de destination

En ce qui con­cer­ne le niveau de pro­tec­tion requis, il découle du Arrêt Schrems II de la CJCEque

un niveau de pro­tec­tion des don­nées à carac­tère per­son­nel équi­va­lent à celui qui est assu­ré dans le pays tiers con­cer­né doit être garan­ti. cor­re­spond en sub­stance au niveau de pro­tec­tion au sein de l’UE/EEE.

Selon l’au­to­ri­té, cet­te exi­gence ne s’ap­pli­que appa­rem­ment pas seu­le­ment à la que­sti­on de savoir si un État dis­po­se d’un niveau de pro­tec­tion adé­quat, mais aus­si aux trans­ferts sur la base des clau­ses con­trac­tu­el­les types. Elle justi­fie cela – pas expli­ci­te­ment, mais dans le con­tex­te – par le RGPD 44 :

Tout trans­fert de don­nées à carac­tère per­son­nel […] n’est auto­ri­sé que si le responsable du trai­te­ment et le sous-trai­tant respec­tent les con­di­ti­ons énon­cées dans le pré­sent cha­pit­re […]. Tou­tes les dis­po­si­ti­ons du pré­sent cha­pit­re doi­vent être appli­quées afin de garan­tir que le ne por­te pas att­ein­te au niveau de pro­tec­tion des per­son­nes phy­si­ques garan­ti par le pré­sent règle­ment sera.

Cela signi­fie que

tou­te trans­mis­si­on doit être sou­mis à des garan­ties appro­priées. Il ne suf­fit donc pas que la qua­si-tota­li­té des vire­ments ou un cer­tain pour­cen­ta­ge des vire­ments béné­fi­ci­ent de la pro­tec­tion du règle­ment, à moins que celui-ci ne le prévoie.

Voi­ci sans dou­te le Appro­che ris­que zéro de l’au­to­ri­té de sur­veil­lan­ce danoi­se. C’est un point de vue inha­bi­tuel – on peut peut-être le para­phra­ser com­me suit : Si l’on accep­te un ris­que rési­du­el d’ac­cès des auto­ri­tés de 2,5%, sta­ti­sti­quement 2,5% des trans­mis­si­ons ne béné­fi­ci­ent pas d’u­ne pro­tec­tion suf­fi­san­te, rai­son pour laquel­le un niveau de pro­tec­tion suf­fi­sant fait défaut dans ce domaine. Ce n’est pas ce que dit l’au­to­ri­té, mais on ne peut guè­re com­prend­re autre­ment la remar­que selon laquel­le chaque et non pas seu­le­ment que pres­que tou­tes les trans­mis­si­ons néces­si­tent une protection.

Absence de mesu­res supplémentaires

L’au­to­ri­té a donc con­clu que des mesu­res de pro­tec­tion com­plé­men­tai­res aux CCS étai­ent néces­saires, non­ob­stant l’éva­lua­ti­on des ris­ques par la commune :

Par con­sé­quent, le CEPD esti­me que le trans­fert des don­nées en que­sti­on aux États-Unis est sou­mis à des con­di­ti­ons qui empêchent le cont­rat type uti­li­sé com­me base du trans­fert d’êt­re un moy­en adé­quat pour garan­tir d’un niveau de pro­tec­tion sub­stan­ti­el­le­ment équi­va­lent à celui qui exi­ste dans l’UE/EEE. La muni­ci­pa­li­té de Hel­sin­gør est donc tenue de veil­ler à ce que des mesu­res sup­p­lé­men­tai­res soi­ent pri­ses pour ame­ner le niveau de pro­tec­tion au niveau requis.

Or, de tel­les mesu­res ferai­ent défaut ici. Le cryp­ta­ge des don­nées n’est pas suf­fi­sant. Appa­rem­ment, Goog­le LLC a pu accé­der aux don­nées en tex­te clair (bien que la clé ait été gérée par Goog­le EMEA, mais en cas d’as­si­stance, un décryp­ta­ge était appa­rem­ment néces­saire), selon la pré­sen­ta­ti­on de la com­mu­ne elle-même.