CJCE en l’e­spè­ce (C‑667/21) : Rap­port ent­re l’art. 9 et l’art. 6 RGPD

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Un employé du ser­vice infor­ma­tique du ser­vice médi­cal de l’assu­rance mala­die de Rhéna­nie du Nord (MDK) était deve­nu inca­pa­ble de tra­vail­ler. Le site Exper­ti­se sur l’in­ca­pa­ci­té de tra­vail avait été éla­bo­ré par le même MDK, avec l’ai­de des don­nées du méde­cin trai­tant. Lorsque le col­la­bo­ra­teur a app­ris cela de son méde­cin, il a deman­dé à un col­lè­gue du ser­vice infor­ma­tique de prend­re des pho­tos de l’ex­per­ti­se pour lui.

Par la suite, l’em­ployé a inten­té une action en dom­mages et inté­rêts au motif que l’ex­per­ti­se aurait dû être réa­li­sée par un aut­re ser­vice médi­cal afin que ses col­lè­gues n’ai­ent pas accès aux don­nées rela­ti­ves à la san­té et que les mesu­res de sécu­ri­té mises en place lors de l’ar­chivage du rap­port rela­tif à son exper­ti­se étai­ent insuffisantes.

Le tri­bu­nal du tra­vail de Düs­sel­dorf et la deu­xiè­me instance, le tri­bu­nal régio­nal du tra­vail de Düs­sel­dorf, avai­ent reje­té la plain­te. La Cour fédé­ra­le du tra­vail a ensuite posé quel­ques que­sti­ons à la CJCE (Arrêt dans l’af­fai­re C‑667/21).

Exi­gen­ces selon l’ar­tic­le 9, para­gra­phe 2, point h) du RGPD (pré­ven­ti­on en matiè­re de san­té, méde­ci­ne du tra­vail, etc.

La pre­miè­re que­sti­on por­tait sur l’é­lé­ment d’au­to­ri­sa­ti­on de l’ar­tic­le 9, para­gra­phe 2, point h), du RGPD. Selon cet­te dis­po­si­ti­on, le trai­te­ment de don­nées rela­ti­ves à la san­té est auto­ri­sé s’il sert une fina­li­té visée à la lett­re h (pré­ven­ti­on en matiè­re de san­té, méde­ci­ne du tra­vail, etc.), s’il repo­se sur un fon­de­ment du droit de l’UE ou du droit natio­nal et si les garan­ties pré­vues à l’ar­tic­le 9, para­gra­phe 3, sont respec­tées (trai­te­ment par des pro­fes­si­on­nels sou­mis au secret pro­fes­si­on­nel). En revan­che, le RGPD ne pré­voit pas, selon la CJUE, que l’ar­tic­le 2, point h), ne s’ap­pli­que que si le trai­te­ment est effec­tué par un tiers neu­tre et non par l’employeur :

58 Il résul­te de ce qui pré­cè­de que, sans pré­ju­di­ce des répon­ses qui seront appor­tées aux deu­xiè­me et troi­siè­me que­sti­ons, il con­vi­ent de répond­re à la pre­miè­re que­sti­on que Artic­le 9, para­gra­phe 2, point h) du RGPD doit être inter­pré­té en ce sens que, sous réser­ve que le trai­te­ment de don­nées en cau­se rem­plis­se les con­di­ti­ons et les garan­ties expres­sé­ment requi­ses à l’ar­tic­le 9, para­gra­phe 3, l’ex­cep­ti­on pré­vue par cet­te dis­po­si­ti­on s’ap­pli­que à des situa­tions est appli­ca­bleLes États mem­bres dans les­quels un cent­re d’ex­per­ti­se médi­cale Don­nées rela­ti­ves à la san­té d’un de leurs employés trai­tées non pas en tant qu’em­ployeur, mais en tant que ser­vice médi­calL’em­ployeur doit fai­re une éva­lua­ti­on de la capa­ci­té de tra­vail de ce travailleur.

TOM pour exclu­re des col­lè­gues de travail

L’art. 9, al. 2, let. h, n’e­xi­ge pas non plus d’ex­clu­re de l’ex­per­ti­se les col­lè­gues de la per­son­ne à exper­ti­ser, à moins qu’un État membre n’ait légifé­ré en ce sens sur la base de l’art. 9, al. 4. La pré­sen­te Cour fédé­ra­le du tra­vail doit tou­te­fois véri­fier si le MDK a pris des mesu­res appro­priées pour assurer la sécu­ri­té des pati­ents. Mesu­res de sécu­ri­té qui pour­rai­ent éven­tu­el­le­ment exi­ger une tel­le séparation.

Rela­ti­on ent­re l’ar­tic­le 9, para­gra­phe 2, et l’ar­tic­le 6 du RGPD

Le rap­port ent­re l’ar­tic­le 9, para­gra­phe 2, et l’ar­tic­le 6 du RGPD est plus inté­res­sant que les que­sti­ons pré­cé­den­tes. Il faut par­tir du prin­ci­pe que l’ar­tic­le 6, para­gra­phe 1, pré­voit une liste exhaus­ti­ve des cas dans les­quels un trai­te­ment est lici­te. Il en résul­te qu’un trai­te­ment de don­nées rela­ti­ves à la san­té (et d’aut­res don­nées d’u­ne caté­go­rie par­ti­cu­liè­re) doit respec­ter non seu­le­ment les con­di­ti­ons de l’ar­tic­le 9, para­gra­phe 2, mais aus­si cel­les de l’ar­tic­le 6 :

79 Eu égard à ce qui pré­cè­de, il con­vi­ent de répond­re à la troi­siè­me que­sti­on que l’ar­tic­le 9, para­gra­phe 2, sous h), et l’ar­tic­le 6, para­gra­phe 1, du RGPD doi­vent être inter­pré­tés en ce sens qu’un recours fon­dé sur la pre­miè­re de ces dis­po­si­ti­ons doit être reje­té. Trai­te­ment des don­nées rela­ti­ves à la san­té n’est lici­te que si elle respec­te non seu­le­ment les exi­gen­ces décou­lant de cet­te dis­po­si­ti­on, mais aus­si rem­plit éga­le­ment au moins l’u­ne des con­di­ti­ons de légiti­mi­té visées à l’ar­tic­le 6, para­gra­phe 1.

La CJCE ne le pré­cise pas de maniè­re aus­si géné­ra­le, mais ses décla­ra­ti­ons ne peu­vent être com­pri­ses que dans le sens où l’ar­tic­le 6 du RGPD doit éga­le­ment être respec­té pour chaque trai­te­ment de don­nées particulières.

Aut­res points

Par ail­leurs, la CJCE con­fir­me la Juris­pru­dence dans l’af­fai­re Deut­sche Woh­nenSelon l’ar­tic­le 83 du RGPD, le droit à répa­ra­ti­on n’a pas de fonc­tion péna­le, mais uni­quement une fonc­tion com­pen­sa­toire. Il en résul­te éga­le­ment que la gra­vi­té de la fau­te ne doit pas être pri­se en comp­te lors de la fix­a­ti­on du droit à répa­ra­ti­on, y com­pris pour le pré­ju­di­ce moral :

103 Par con­sé­quent, il con­vi­ent de répond­re à la cin­quiè­me que­sti­on que l’ar­tic­le 82 du RGPD doit être inter­pré­té en ce sens que, d’u­ne part, la responsa­bi­li­té du responsable est sub­or­don­née à l’e­xi­stence d’u­ne fau­te qui lui est impu­ta­ble. Fau­te dépen­dent, qui est sup­po­séL’ar­tic­le 82 pré­voit, d’u­ne part, que l’au­teur d’un dom­mage ne peut être tenu pour responsable s’il ne prouve pas que le fait qui a causé le dom­mage ne lui est pas impu­ta­ble et, d’aut­re part, que l’au­teur d’un dom­mage ne peut être tenu pour responsable s’il ne prouve pas que le fait qui a causé le dom­mage ne lui est pas impu­ta­ble. n’e­xi­ge pas que le degré de cet­te fau­te soit pris en comp­te lors de l’éva­lua­ti­on du mon­tant des dom­mages-inté­rêts accor­dés à tit­re d’in­dem­ni­sa­ti­on d’un pré­ju­di­ce moral sur le fon­de­ment de cet­te dis­po­si­ti­on sera.